quinquaphilosophe

Des rencontres déconfinées qui confinent à l’absurde

On vous l’avait promis, même si on a mis du temps. Il y a donc bien une suite au premier chapitre des rencontres en ligne déconfinées de nos trois donzelles. On vous l’avait gardé au chaud. Autant vous en faire profiter dare-dare, avant l’obsolescence totale.

A commencer par le retour du mec-blindasse, non pas quinqua mais sexagénaire.

Imaginez ! Un monsieur de 62 ans affichés, cache sous sa photo de profil les ramollissements de son visage et de son cou sous une barbe poivre et sel de quelques jours … effet de mode ou coquetterie visant à se rajeunir … Qui sait ! Jean-Charles (oui, c’est chic, on vous l’accorde) possède une syntaxe habile et quelques traits d’humour. A l’envoi des photos de la donzelle, il paraît sous le charme et manifeste un intérêt certain. Après quelques échanges textuels dans lesquels il vante son charme, sa culture, son âme d’artiste (il envoie des dizaines de peintures et sculpture de sa production …), sa sensualité (?), la rencontre est fixée, un beau dimanche d’octobre, ensoleillé mais frisquet (14°C ), au bar d’une bastide, à 10h. La donzelle s’équipe un peu chaudement, au cas où l’entretien se tiendrait en extérieur. Un Jean (un 501 tout neuf ramené de Boston par son fils !), de jolies chelsea marron neuves, un pull fin camel et une veste de tailleur bleu marine. Un maquillage très léger … il est, rappelons-le, 10h du matin ! Jean-Charles a pris le soin de décrire sa tenue à la damoiselle en précisant qu’il serait en chemise (ouf !) et en jean (d’où l’option jean pour la dame également), et qu’il viendrait en 4X4 JAGUAR ! Il s’en fallut de peu pour que la donzelle lui demande, avec son humour crasse habituel : « vous l’amenez en laisse au bar, votre jaguar ? ». Mais présupposant que ce trait fielleux pourrait ne pas être bien perçu, elle s’abstint !

Elle arriva pile à l’heure. Monsieur était attablé en extérieur … en chemise, sans pull ni doudounette sans manche (pourtant il avait tout du type qui en porte ! ). Pas de jaguar a ses pieds mais à quelques pas, flanqué sur le parking central de la bastide, alors même qu’une interdiction temporaire de stationner était signalée par un entourage de rubalise, un énorme engin noir trônait, comme une verrue sur la figure. La dame l’avait en effet aperçu du coin de l’œil, mais avait marqué une indifférence notable.

Jean-Charles accueillit notre donzelle avec obséquiosité et commença à développer son CV. Parcours professionnel réussi dans la décoration, artiste à temps perdu, se montrant sous ses meilleurs atours. Bien sûr, Jean Charles était à l’aise. Grosse voiture, belle maison … d’ailleurs, il partait le soir-même à Minorque, et une semaine plus tard à Madère, pour y dénicher une maison secondaire pour remplacer celle qu’il avait vendue au Panama (papers ?). Sur l’heure, Jean-Charles dut bien parler les trois quarts du temps. Une question rapide pour la dame « que faites-vous dans la vie ? » et hop, à peine la réponse entendue, on revenait à monsieur … Madame riait sous cape. Tout simplement ridicule ou bien mythomane ? elle n’aurait pas su dire, mais en tout cas, elle ne fut guère surprise quand il parla de ses attentes … « je souhaiterais une femme qui s’entretienne » … Là, le rire caché depuis le début de l’entretien manqua d’éclater au grand jour. Se contenant à grand peine, la donzelle lui assura comprendre tout à fait … et l’échange se conclut quelques minutes plus tard par « je vous recontacte à mon retour de Minorque », qui finalement fut un aller-retour éclair, puisque cinq minutes à peine après cet échange, elle recevait en message synthétique un « vous l’aurez sûrement compris, vous ne correspondez pas à mes attentes ». Il prit très cher en retour de boomerang.

Ni peroxydée, ni habillée en pupute offerte aux plus offrant (jupe fendue, talons aiguilles et décolleté jusqu’au nombril) en ce beau matin dominical, elle comprit très vite qu’elle n’avait pas dû être suffisamment assortie au JAGUAR !

Dans la catégorie goujat, il y eut le directeur de galerie d’art ayant pignon sur rue, trichant lui aussi sur son âge, le « j’adore-ce-que-vous-écrivez-vous-n’êtes-pas-comme-les-autres » qui, à la première photographie envoyée par la belle lui répondit en retour un laconique « Merci pour les photos. Bonne continuation. On n’est pas obligé de se plaire ». Le summum de l’élégance. Avec un soulagement certain elle lui répondit en substance qu’il était vieux et moche, qu’ils auraient été très mal assortis et qu’au lieu du cador pour lequel il se prenait, ce n’était qu’un petit médor … Certes, il n’était pas certain qu’il comprenne, mais une chose était sûre, elle garantissait aux rustres un ROI dont ils se souviendraient. Enfin … pour ceux qui étaient capables de comprendre.

Le retour du mec qui s’y croit

Melville, oui, ça fait méga classe, est encore un drôle de loustic. A priori de père américain, il ponctue ses textos de « for sure », « soon », « only big love for you » ! Promis, elle glissera un de ces quatre un alerte « what the fuck ? » dès qu’elle trouvera la brèche pour ce faire. By the way, donc, le Melville en question a chassé également à proximité. Car des trois donzelles qui se tiennent les côtes de rire à chaque soirée « mythiques » ou elles débattent de leurs pérégrinations sur les sites de rencontres, deux ont le Melville en contact. Et là, de copies d’écran en comptes rendus, elles constatent un certain laxisme dans l’approche du bellâtre. Chacune a en effet eu droit à un « vous avez une jolie bouille » … suivi d’un « je cherche une jolie femme, avec un QI certain et du sex appeal » ! Ben oui ! la plus coquine des deux, ne me demandez surtout pas qui, lui demanda en retour s’il possédait lui aussi un sexe à pile ! Oui, on vous l’accorde, c’était facile. L’une d’entre elles coupa court à l’échange. L’autre poursuivit … histoire de voir. D’emblée il proposa un rendez-vous au bout de quatre phrases échangées. Le soir-même. La donzelle, n’étant pas aux ordres, déclina. Quelques messages plus tard, déçu de ne pas avoir hameçonné directement la quinqua, Melville suggéra d’échanger par SMS, histoire de chopper le 06 de la belle. Elle déclina, là aussi. Qu’à cela ne tienne, il lui proposa aussi sec de passer un week-end chez lui pendant lequel il assura savoir « s’occuper d’elle », ponctuant ses échanges de « Melville mène la danse » (toujours se méfier des loulous qui se prennent pour Alain Delon et parlent d’eux à la troisième personne !), et de « tu vas aimer, tu vas m’aimer ». Convaincu que la dame se pâmait déjà en rougissant sous sa couette à l’idée même qu’elle n’attende que ses assauts, et comme elle gardait un vouvoiement distancié, il lui demanda tout à trac si elle vouvoyait aussi « sur le matelas ». Ce « dandy pas bandit » ou « gentleman bienveillant », comme il aimait à se décrire, n’était pas piqué des vers. On cherchait alors le piéger à son propre jeu. Venir à deux pour lui faire perdre sa superbe ? Ou laisser filer. Re-re-re-re … Next … What the fuck !